Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/369

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sensiblement à Phalsbourg, nouvelle place forte. Elle est située sur une colline peu élevée ; les ouvrages sont construits élégamment sur des rochers noirâtres en pierre de même nature ; les joints, enduits de chaux, indiquent exactement la grandeur des pierres équarries et attestent d’une manière frappante la netteté de l’ouvrage. Nous trouvâmes la ville régulièrement bâtie en pierres, comme il convient pour une place forte ; l’église est d’un bon goût. En nous promenant par les rues à neuf heures du matin (c’était un dimanche), nous entendîmes de la musique. On valsait déjà dans l’auberge à cœur joie, et, comme les habitants ne se laissaient pas troubler dans leur plaisir par la grande cherté, même par la disette imminente, notre jeune gaieté ne fut nullement altérée, quand le boulanger nous refusa un peu de pain pour le voyage et nous adressa à l’hôtellerie, où nous serions libres de le consommer sur place.

Nous redescendîmes avec un grand plaisir la chaussée de Saverne, pour admirer une seconde fois cette merveille d’architecture, et jouir encore de cette délicieuse vue sur l’Alsace. Nous arrivâmes bientôt à Bouchsweiler, où notre ami Weyland nous avait préparé une bonne réception. Une petite ville est un séjour très-convenable pour une âme jeune et vive ; les rapports de famille sont plus intimes et plus sensibles ; le ménage, où l’on passe, avec une activité modérée, d’occupations civiles peu gênantes à des travaux industriels, à l’agriculture et au jardinage, nous invite à une participation amicale ; la sociabilité est nécessaire, et l’étranger se trouve très-agréablement dans les cercles peu nombreux, pourvu que les mésintelligences des habitants, qui sont plus sensibles dans ces lieux-là, ne viennent pas à l’effleurer. Cette petite ville était la place principale du comté de Hanau-Lichtenberg, et appartenait au landgrave de Darmstadt, sous la protection de la France. Une administration et une chambre établies à Bouchsweiler en faisaient le centre considérable d’une belle et charmante possession princière. Nous oubliâmes aisément les rues inégales, les constructions irrégulières, quand nous sortîmes de la ville, pour contempler le vieux château et les jardins admirablement situés au penchant d’une colline. Divers bocages, une faisanderie domestique et une libre, et les restes de divers établissements pareils mon-