Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/442

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dère, par sa grandeur demi-colossale, sa taille élancée, son libre mouvement, son regard vainqueur, ne remporte aussi, avant tous les autres, la victoire sur notre sentiment ? Ensuite je me tournai vers le Laocoon, que je voyais là pour la première fois avec ses fils. Je me rappelai, aussi bien que possible, les dissertations et les débats dont il avait été l’objet, et je cherchai à me faire un point de vue particulier ; mais j’étais entraîné tantôt d’un côté tantôt de l’autre. Le gladiateur mourant m’arrêta longtemps ; je passai surtout des moments délicieux devant le groupe de Castor et Pollux, restes précieux, quoique problématiques. Je ne savais pas encore qu’il est impossible de se rendre compte sur-le-champ d’une contemplation qui charme. Je me contraignais de réfléchir et, malgré l’inutilité de mes efforts pour arriver à une sorte de clarté, je sentais pourtant que, dans ce grand nombre d’ouvrages, chacun, pris à part, était saisissable, chaque objet, naturel et marquant. Cependant mon attention était principalement dirigée sur le Laocoon, et je résolus pour moi la fameuse question de savoir pourquoi il ne crie pas, en concluant qu’il ne peut crier. Toutes les actions et tous les mouvements du groupe s’expliquèrent pour moi par la première conception. Toute l’attitude, aussi violente qu’ingénieuse, de la figure principale, était composée de deux mouvements, la lutte contre les serpents et la fuite devant la morsure actuelle. Pour adoucir cette douleur, le bas-ventre devait se contracter et rendait le cri impossible. Je me convainquis également que le plus jeune des fils n’est pas mordu, et c’est ainsi que je cherchai à m’expliquer encore les beautés de ce groupe. J’écrivis sur ce sujet une lettre à Œser, qui n’accorda pas à mes explications une attention bien particulière, et se contenta de donner à ma bonne volonté de vagues encouragements. Mais je fus assez heureux pour retenir cette pensée et la laisser dormir plusieurs années, jusqu’au moment où elle se rattacha à l’ensemble de mes expériences et de mes convictions, et c’est dans ce sens que je la produisis plus tard en publiant les Propylées.

Après avoir contemplé avec amour tant de sublimes œuvres plastiques, je devais avoir un avant-goût de l’architecture antique. Je trouvai le plâtre d’un chapiteau de la Rotonde et je ne nierai pas qu’à l’aspect de ces feuilles d’acanthe, tout ensemble