Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/553

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Mais, si je m’éloignais chaque jour davantage de la confession morave, cela venait du zèle excessif, de l’amour passionné, avec lequel j’avais voulu m’y attacher. Mes relations avec la communauté morave n’avaient cessé d’accroître mon attachement pour cette société, qui se rassemblait sous l’étendard victorieux de Christ. L’attrait d’une religion positive n’est jamais plus grand qu’à sa naissance. C’est pourquoi il est si agréable de se reporter au temps des apôtres, où tout se présente encore avec une inspiration fraîche et directe, et la communauté morave avait ceci de magique, qu’elle semblait continuer et même perpétuer ce premier état. Elle rattachait son origine aux temps les plus anciens ; elle n’avait jamais atteint son accomplissement ; elle n’avait fait que se glisser en rameaux inaperçus à travers le monde barbare ; maintenant un bourgeon unique, sous la protection d’un homme d’une piété éminente, poussait des racines, pour se répandre de nouveau dans le monde, après des débuts imperceptibles et qui semblaient accidentels. Le point essentiel était l’union inséparable des constitutions religieuse et civile ; des qualités d’instituteur et de maître, de père et de juge ; bien plus, le chef divin, auquel on avait voué une foi absolue dans les choses spirituelles, était aussi appelé à la direction des affaires séculières, et sa réponse était reçue avec résignation par la voie du sort, pour ce qui devait déterminer soit l’administration en général, soit chacun en particulier. La paix admirable que témoignait du moins l’état extérieur de la société avait un attrait infini, tandis que, d’un autre côté, l’œuvre des missions réclamait toute l’énergie dont l’homme est capable. Les personnes excellentes dont je fis la connaissance au synode de Marienbourg, où m’avait conduit M. Moritz, conseiller de légation, homme d’affaires du comte d’Isenbourg, m’avaient inspiré le plus profond respect, et il n’aurait tenu qu’à elles de m’enrôler dans leur société. Je m’occupais de leur histoire, de leur doctrine, de son origine et de son développement, et je me trouvai dans le cas d’en rendre compte et d’en parler avec les adeptes. Mais je dus observer que les fi-ères étaient aussi peu disposés que Mlle de Klettenberg à voir en moi un chrétien. Cela commença par m’inquiéter, et puis cela refroidit un peu mon zèle. Je fus longtemps sans pouvoir décou-