Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/560

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entouraient. La ressemblance était frappante et ces esquisses étaient bien reçues. Les amateurs ont toujours cet avantage, parce qu’ils donnent leur travail gratis. Mais, comme je sentais l’insuffisance de ces dessins, je revins au rhythme et au langage, qui me servaient mieux. L’ardeur, la verve et la rapidité avec lesquelles je travaillais alors sont attestées par divers poèmes qui, proclamant avec enthousiasme la nature idéale et l’idéal naturel, nous inspiraient, au moment de leur naissance, une ardeur nouvelle à mes amis et à moi.

Un jour, étant ainsi occupé dans ma chambre, où ne pénétrait qu’une faible lumière, ce qui lui donnait du moins l’apparence de l’atelier d’un artiste, d’autant que les travaux inachevés qui étaient fixés ou suspendus aux murs faisaient naître l’idée d’une grande activité, je vis entrer un homme de haute et belle taille, que je pris d’abord, dans le demi-jour, pour Frédéric Jacobi ; mais, reconnaissant bientôt mon erreur, je le saluai comme un étranger. Il se nomma : c’était de Knebel. Une courte explication m’apprit qu’étant au service de la Prusse, il avait profité d’un long séjour à Berlin et à Potsdam, pour lier de bonnes et actives relations avec les littérateurs du pays et, en général, avec la littérature allemande. Il s’était attaché particulièrement à Ramier, et avait adopté sa manière de réciter les vers. Il connaissait aussi tous les écrits de Gœtz, qui n’avait pas encore un nom en Allemagne. C’était par son entremise que l’Île des jeunes filles de ce noëte avait été imprimée à Potsdam, et que cet ouvrage était arrivé jusque dans les mains du roi, qui en avait parlé favorablement.

Nous avions à peine discouru en termes généraux sur la littérature allemande, quand j’eus le plaisir d’apprendre que Knebel était alors placé à Weimar et attaché à la personne du prince Constantin. On m’avait déjà fait de grands éloges de la société de Weimar, car il était arrivé chez nous, de cette résidence, de nombreux étrangers qui avaient vu la duchesse Amélie appeler, pour l’éducation des princes ses enfants, les hommes les plus distingués ; l’académie de léna concourir à ce noble but par ses professeurs éminents ; les arts, non-seulement protégés par cette princesse, mais cultivés par elle-même avec talent et avec zèle. On apprenait aussi que Wieland était en