Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/561

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grande faveur ; et le Mercure allemand, qui recueillait les travaux de tant de savants d’autres États, ne contribuait pas peu à la renommée de la ville où il était publié. Elle possédait un des meilleurs théâtres de l’Allemagne, un théâtre célèbre par ses acteurs aussi bien que par ses auteurs. Cependant ces beaux établissements parurent compromis et menacés d’une longue interruption par l’affreux incendie qui avait dévoré le château au mois de mai de cette même année ; mais chacun était persuadé, tant le prince héréditaire inspirait de confiance, que ce dommage serait bientôt réparé, et même toutes les autres espérances remplies dans une large mesure. Comme je m’informais de ces personnes et de ces choses, pour ainsi dire, en vieille connaissance, exprimant le vœu de les mieux connaître encore, l’étranger me répondit très-obligeamment que rien n’était plus facile, puisque le prince héréditaire venait d’arriver à Francfort avec son frère, le prince Constantin, et qu’ils désiraient tous deux m’entretenir et faire ma connaissance. Je témoignai aussitôt le plus grand empressement de leur présenter mes hommages, et mon nouvel ami me dit qu’il ne fallait pas tarder, parce que leur séjour ne serait pas long. En attendant que je fusse prêt à le suivre, je le conduisis auprès de mes parents, qui, vivement surpris de son arrivée et de son message, l’entretinrent avec un sensible plaisir. Je le suivis aussitôt auprès des jeunes princes, qui m’accueillirent avec beaucoup de bienveillance et de simplicité. Le comte de Gœrtz, gouverneur du prince héréditaire, parut me voir aussi sans déplaisir. Les sujets de conversation littéraire ne manquaient pas, mais un hasard nous y amena de la manière la plus intéressante et la plus féconde.

La première partie des Fantaisies patriotiques de Mœser, fraîchement brochées et non coupées encore, se trouvait sur la table. Comme je les connaissais fort bien et que les personnes présentes les connaissaient peu, j’eus l’avantage de pouvoir en rendre un compte détaillé ; et c’était le sujet de conversation le plus convenable avec un jeune prince qui avait d’excellentes intentions et le ferme dessein d’user de son pouvoir pour faire des réformes décisives. L’ouvrage de Mœser, soit par le fond, soit par l’esprit qui l’anime, est du plus haut intérêt pour tous