Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/658

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était très-bien accueillie, comme contraste avec une manière pratique, à laquelle les Français s’étaient adonnés. Wille, très estimé comme graveur, assura au mérite allemand une base solide. Grimm, déjà influent, secondait ses compatriotes. On faisait d’agréables voyages à pied pour dessiner d’après nature. Ainsi furent exécutées et préparées de bonnes choses. Boucher et Watteau, qui étaient nés artistes, et dont les ouvrages, qui papillonnaient dans l’esprit et le goût de l’époque, sont néanmoins jugés encore très-dignes d’estime, étaient favorables à cette nouvelle peinture, et ils s’y adonnèrent eux-mêmes, mais seulement par forme d’essai et de badinage. Greuze, qui menait une vie paisible et retirée dans le sein de sa famille, et qui aimait à représenter des scènes bourgeoises, enchanté de ses propres ouvrages, avait un talent honorable et facile.

Tout cela, notre Kraus sut très-bien en faire profiter son talent ; il se forma pour la société avec la société ; il savait très gracieusement présenter sous forme de portraits un petit cercle d’amis ; il ne réussissait pas moins dans le paysage, qui se recommandait par un dessin pur, un lavis traité largement, un agréable coloris ; le sentiment était satisfait par une certaine vérité naïve, et l’amateur, par son adresse à préparer et disposer en tableau tout ce qu’il dessinait lui-même d’après nature. Il était du commerce le plus agréable ; une gaieté tranquille l’accompagnait sans cesse ; officieux sans humilité, réservé sans orgueil, il se trouvait partout à son aise, partout aimé ; c’était à la fois le plus actif et le plus nonchalant des hommes. Avec ce talent et ce caractère, il fut bientôt recherché dans le grand monde, et particulièrement bien reçu au château seigneurial de Stein, dans le duché de Nassau, au bord de la Lahn ; là il dirigeait dans ses exercices de peinture Mlle de Stein, jeune personne pleine de talent et infiniment aimable, et il animait de diverses manières la société. Après que cette jeune dame eut épousé le comte de Werther, les nouveaux mariés emmenèrent l’artiste dans leurs beaux domaines en Thuringe, et il finit par arrivera Weimar. Il y fut connu, apprécié, et cette noble société désira le retenir. Et comme sa complaisance ne se démentait nulle part, revenu à Francfort, il forma à l’exécution pratique mon goût, qui jusque-là s’était borné à faire des collections.