Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/169

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Je reçus une seconde lettre, plus courte, mais plus vive, plus pressante, dans laquelle on sollicitait une réponse et une explication, et on me conjurait solennellement de ne pas la refuser. Ce nouvel assaut me laissa tout aussi maître de moi ; la seconde lettre ne m’alla pas au cœur plus que la première, mais l’habitude m’avait fait un besoin d’assister les jeunes gens de mon âge dans leurs peines d’esprit et de cœur : elle ne me laissa pas oublier celui-ci.

La société de Weimar, groupée autour d’un excellent jeune prince, se dispersait rarement ; occupations, entreprises, badinages, plaisirs et peines, elle mettait tout en commun. Vers la fin de novembre, on avait résolu, pour satisfaire aux plaintes fréquentes des paysans, une partie de chasse au sanglier. Je devais y assister, mais je demandai la permission de faire un détour avant de rejoindre la chasse.

Je m’étais tracé un plan secret de voyage. J’avais entendu des gens d’affaires et des habitants de Weimar, amis du bien public, exprimer vivement le vœu qu’on rouvrît les mines d’Ilmenau. Je n’avais sur ce genre de travaux que des idées tout à fait générales ; aussi ne me demandait-on pas mon avis et mon opinion, mais un témoignage d’intérêt. Or je ne savais m’intéresser ;i un objet que par l’observation immédiate, et je crus avant tout indispensable de voir de mes yeux, ne fût-ce qu’en passant, tout l’ensemble du travail des mines, et de m’en faire une idée. J’avais à cet effet projeté dès longtemps un voyage dans le Harz, et, dans cette saison, qui, étant d’ailleurs celle de la chasse, nous appelait à vivre en plein air, je me sentis entraîné à exécuter mon projet. Au reste, le désir de voir mon bizarre correspondant contribua beaucoup à me déterminer.

Tandis que les amis de la chasse prenaient d’un autre côté, je me rendis tout seul à Ettersberg, et je commençai en chemin l’ode intitulée Voyage dans le Harz en hiver1, qui a paru si longtemps comme une énigme parmi mes poésies". Au milieu des nuages sombres que roulait de mon côté le vent du nord, un vautour planait sur ma tête. Je passai la nuit à Sondershausen, et, le lendemain, j’arrivai très-tard à Ilfeld. Après une bonne


1. Tome I, page 193.