Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/173

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qu’il puisse espérer de s’accorder avec vous. Je l’ai entendu affirmer que le seul remède à cette douloureuse et sombre mélancolie est la contemplation de la nature, et un intérêt sincère que l’on prend au monde extérieur. La connaissance, même la plus générale, de la nature, sous quelque face qu’on l’étudie ; une vie active, comme jardinier ou campagnard, comme chasseur ou mineur, nous arrache à nous-mêmes ; en dirigeant nos forces intellectuelles sur des phénomènes réels et véritables, nous acquérons peu à peu la satisfaction, la clarté, l’instruction la plus grande ; tout comme l’artiste qui s’attache fidèlement à la nature, et cherche en même temps à cultiver son âme, aura certainement les meilleurs succès. »

A ces mots, le jeune ami parut très-inquiet et très-impatient, comme nous irrile un langage étranger ou confus que nous ne pouvons comprendre. Sans trop espérer une heureuse réussite, et plutôt pour ne pas rester bouche close, je continuai ces discours. « Comme peintre de paysage, lui dis-je, j’ai dû être frappé tout premièrement de cette vérité, mon art ayant pour objet direct la nature : mais depuis lors, non-seulement j’ai observé avec plus d’assiduité et d’ardeur qu’auparavant les objets et les phénomènes extraordinaires et surprenants, mais encore j’ai pris intérêt à tout ce qui se présente. » Pour ne pas m’égarer dans les généralités, je lui contai comme quoi ce voyage forcé pendant l’hiver, au lieu de m’être désagréable, m’avait procuré des jouissances continuelles ; je lui en fis une description poétique, et pourtant aussi directe et aussi naturelle que je pus, et j’arrivai enfin à la grotte de Baumann. Là il m’interrompit vivement, et m’assura qu’il l’avait vue et qu’il regrettait fort ce court voyage. La grotte n’avait nullement répondu à l’image qu’il s’en était faite, et, quand je lui demandai comment donc il se l’était représentée, il me fit une description que le plus hardi décorateur n’aurait pas risquée pour représenter le vestibule du royaume de Pluton.

J’essayai là-dessus quelques autres moyens curatifs ; mais, comme il les écarta d’une manière absolue, assurant que rien dans ce monde ne pouvait lui suffire, mon cœur se ferma, et, après le pénible voyage que j’avais entrepris avec la meilleure