Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/178

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et le cœur abondaient, graves, nourris par la philosophie, égayés par les arts : si, dans la philosophie, on partait rarement des mêmes principes, on était heureux de se trouver mieux d’accord dans les arts.

Hemsterhuis, Néerlandais d’un goût délicat, familiarisé avec les anciens dès ses jeunes années, avait consacré à la princesse sa vie comme ses écrits, qui sont les témoins impérissables d’une mutuelle confiance et d’une culture pareille. Avec une ingénieuse délicatesse, qui lui était particulière, cet homme estimable fut conduit à la recherche infatigable du bon intellectuel et du beau sensible. Pour se pénétrer du premier, il faut être sans cesse environné du second. Aussi, un particulier qui n’a pas à sa disposition de grandes galeries, et qui veut, même en voyage, ne pas être privé des jouissances que lui donnent les arts, ne peut rien désirer de mieux qu’une collection de pierres gravées : cet objet ravissant l’accompagne partout, trésor instructif qui ne pèse point, noble possession qui donne des jouissances continuelles. Mais, pour le recueillir, il ne suffit pas de vouloir ; l’argent ne suffit pas: il faut avant tout l’occasion. Elle ne manqua pas à notre ami : demeurant aux limites de la Hollande et de l’Angleterre, observant le mouvement continuel du commerce et les objets d’art qu’il transportait dans un sens ou dans l’autre, il arriva peu à peu, par des achats et des échanges, à former une belle collection d’environ soixante et dix pièces, avec les conseils de Natter, l’excellent lapidaire. La princesse avait vu naître cette collection, qui avait éclairé son esprit, formé son goût et gagné son affection, et elle la possédait maintenant comme l’héritage d’un ami disparu, qui lui semblait toujours présent dans ces trésors.

On pouvait trouver étrange que la fleur du paganisme fût conservée et hautement appréciée dans une maison chrétienne. Je ne manquai pas de relever les idées charmantes dont l’œil était frappé dans ces admirables petites figures. On ne pouvait y méconnaître l’imitation de grands et nobles ouvrages plus anciens, à jamais perdus pour nous.

De ces entretiens, qui, tout élevés et profonds qu’ils étaient, ne risquaient pas de tomber dans l’abstrus, sembla naître un rapprochement des esprits : car toute vénération d’un objet