Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/288

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les échanger contre des marchandises indestructibles ; tandis qu’on se hâtait, par exemple, d’amasser du riz, des bougies, ou tels autres objets, mis en vente, l’homme d’affaires de Grimm balança à cause de la grande responsabilité ; enfin, désespéré, et voulant sauver quelque chose, fl donna toute la somme pour une garniture de manchettes et un jabot de dentelles de Bruxelles. Grimm se plaisait à nous les montrer, et triomphait gaiement de ce que personne ne possédait une parure aussi chère.

Je revins à Weimar, le 30 août, dans les meilleures dispositions ; j’oubliai un reste de faiblesse pour m’occuper de notre troisième exposition, qui fut organisée avec plus de soin et visitée par des amis, des voisins, des étrangers. Elle aida à faire mieux connaître certains artistes contemporains, comme la décoration du château fut un moyen d’occuper leurs talents.

Schiller arrangea Nathan le Sage ; je pris quelque part à ce travail. Cette pièce fut jouée pour la première fois le 28 novembre, et ce ne fut pas sans exercer une remarquable influence sur la scène allemande. Schiller avait commencé et achevé dans le cours de cette année la Pucelle d’Orléans. ll nous vint sur la représentation quelques doutes, qui nous privèrent du plaisir de produire sur la scène une œuvre si importante. 11 était réservé à l’activité d’Iffland, avec les abondantes ressources dont il disposait, de s’acquérir une gloire durable dans les annales du théâtre par une brillante représentation de ce chef-d’œuvre.

’ Le passage public de Stolberg au calholicisme acheva de rompre des liens autrefois bien chers. Je n’y perdis rien, car notre ancienne intimité n’était plus depuis longtemps qu’une vague bienveillance. J’avais senti de bonne heure pour lui une véritable affection, le jugeant un homme solide, aimant et digne d’être aimé ; mais je dus bientôt remarquer qu’il ne s’appuierait jamais sur lui-même, et dès lors je vis en lui un homme qui chercherait son salut et son repos hors de la sphère où se déployait mon action. Je ne fus nullement surpris de cet événement. Je tenais depuis longtemps Stolberg pour catholique ; il l’était par ses sentiments, sa marche et son entourage, et je pus observer avec tranquillité le tumulte qui dut résulter enfin d’une manifestation tardive de secrètes mésintelligences.