Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/322

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

parfaitement clair et transparent, et toutefois, sans aucune trace de polissure. Avec son phlegme ordinaire, il nous montra quelques essais douteux qui devaient constater les propriétés d’un diamant. Après qu’on l’avait frottée modérément, la pierre attirait des petits morceaux de papier ; la lime anglaise paraissait n’y produire aucun effet ; mais Beireis passa rapidement sur ces preuves, et nous rapporta l’histoire, souvent répétée, qu’il avait mis le minéral à l’épreuve sous le moufle, et que le magnifique spectacle de la flamme qui s’était développée lui avait fait oublier de modérer et d’éteindre le feu, en sorte qu’en un moment, la pierre avait perdu pour un million de thaler de sa valeur. Néanmoins il s’estimait heureux d’avoir vu un feu d’artifice tel que n’en sauraient voir ni les empereurs ni les rois.

Pendant qu’il s’étendait sur ces détails avec abondance, songeant aux épreuves chromatiques, j’avais placé la merveille devant mes yeux, pour observer les traverses horizontales de la fenêtre, mais je ne trouvai pas les bords colorés plus larges qu’un cristal de montagne ne les eût donnés ; en sorte que je me permis de nourrir en secret quelques doutes sur la vérité de ce trésor si vanté. Voilà comment notre séjour fut couronné par la plus grande rodomontade de notre singulier ami.

Ces bizarreries étaient souvent à Helmstaedt le sujet des conversations joyeuses et familières, mais on nous parlait aussi fréquemment d’un fantasque gentilhomme, qu’on nous recommanda de voir à notre retour, afin d’étendre nos études de caractères originaux, ce qui nous serait facile, puisque nous retournions par Halberstadt, et que le gentilhomme ne demeurait pas loin de la route. Nous nous trouvâmes d’autant plus disposés à cette expédition, que le joyeux et spirituel doyen Henke promit de nous y accompagner, ce qui semblait prouver qu’on pouvait en tout cas se démêler des impertinences et des incongruités de ce singulier personnage.

Nous voilà donc quatre en voiture : le prieur Henke avec une longue pipe de terre blanche, parce que toute autre manière de fumer lui était désagréable ; mais, en voiture même, assurait-il, et dans un long voyage, il savait conserver sa pipe entière et sans dommage.