Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/365

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que je trouvais à ma disposition et que je pouvais mettre en œuvre ce dont j’avais besoin pour le moment. Dietz était la complaisance même, pour répondre a mes singulières questions ; Lorsbach se montrait sympathique et obligeant au plus haut point ; par lui je fus même en rapport avec Sylvestre de Sacy. Ces hommes ne pouvaient soupçonner, encore moins comprendre, quel était proprement mon dessein : cependant chacun s’empressait de me diriger dans un champ où je m’étais, il est vrai, quelquefois exercé, mais que je n’avais jamais étudié sérieusement. Et comme la traduction de Hammer était journellement sous ma main, et qu’elle devint pour moi le livre des livres, je ne manquai pas de m’approprier plus d’un joyau de ses Mines 1.

Cependant le ciel politique semblait peu à peu s’éclaircir ; le désir me prit de courir le monde et surtout de visiter ma libre ville natale, à laquelle je pouvais de nouveau prendre intérêt. Le grand air et le mouvement rapide m’inspirèrent bientôt de nombreuses productions dans le goût oriental. Un salutaire séjour que je fis aux bains, une demeure champêtre dans un pays connu, que j’avais fréquenté dès ma jeunesse, la sympathie d’amis aimables et affectueux, contribuèrent à stimuler et à exalter cet heureux état de l’âme, que tous les cœurs purs doivent reconnaître à la lecture du Divan.

Vers la fin de ce pèlerinage je trouvai mon recueil si riche, que je pus déjà le diviser en livres d’après une certaine connexité, mesurer les rapports des différentes branches, et amener tout l’ouvrage, sinon à la perfection, du moins à la conclusion. J’avais ainsi gagné et trouvé dans cette distraction plus que n’aurait pu me donner un nombre pareil de jours les plus tranquilles du monde.

Avant mon départ j’avais essayé d’écrire mon Voyage en Sicile, mais l’Orient s’était tout à fait emparé de moi, et ce fut heureux, car, si mon élan s’était alors arrêté ou s’il avait pris une autre direction, je n’aurais pas su retrouver le chemin de ce paradis.

Peu de choses étrangères me touchaient, cependant je m’in-


1. Tome I, page 732.