Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/379

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On voit, après vingt ans de mariage, un couple, brouillé en secret, demander le divorce, et chacun s’écrie : « Pourquoi avez-vous souffert cela si longtemps, et pourquoi ne le souffrez-vous pas jusqu’à la fin ? » Mais ce reproche est injuste. Celui qui considère toute la valeur et la dignité de l’union conjugale dans une société policée reconnaîtra combien il est dangereux de se dépouiller d’une pareille dignité. Il se posera la question de savoir s’il ne vaut pas mieux supporter les désagréments journaliers, qu’on se sent le plus souvent la force de souffrir ; s’il ne vaut pas mieux traîner uné ennuyeuse existence que de se résoudre précipitamment à un’résultât qui finit, hélas ! par se produire de lui-même violemment, quand la somme totale est par trop pesante.

Il en est de même d’une amitié de jeunesse. Quand on s’engage dans une liaison pareille à l’âge de l’espérance, on le fait sans condition ; on n’imagine pas qu’une rupture soit possible ni maintenant ni jamais. Ce premier engagement est d’un caractère beaucoup plus élevé que la promesse prononcée à l’autel par deux amants passionnés ; car il est tout à fait pur ; il n’est pas exalté par le désir, dont la satisfaction peut faire craindre un pas en arrière. Aussi semble-t-il impossible de briser un lien d’amitié formé dans la jeunesse, quand même les divergences survenues menacent plus d’une fois de le rompre.

Cependant Voss et Stolberg auraient brisé ces nœuds bien plus tôt, si la comtesse Agnès n’avait déployé son influence aimable et conciliante. Quand l’ange de paix fut remonté au ciel, Stolberg chercha un nouvel appui, et le pampre s’enlaça autour de la croix. Voss se laissa maîtriser par la mauvaise humeur qu’il nourrissait depuis longtemps dans son âme. Tous deux étaient à plaindre. Ils ne voulaient pas renoncer à l’ancienne amitié, oubliant que des amis qui se tiennent encore par la main à l’endroit où le chemin se bifurque, sont déjà à cent lieues l’un de l’autre.

Quelques travaux définitifs ou préparatoires m’occupèrent à un haut degré. Je repris le Second séjour à Rome* pour ajouter au Voyage en Italie une suite nécessaire. Puis je me sentis dis-


1. Tome IX, page :i8,">.