Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/393

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apprécier sur-le-champ la valeur d’une vie à tous égards complète ?

Si nous suivons notre ami dans la marche de sa vie, si nous l’observons enfant, jeune homme, homme fait et vieillard, nous trouvons qu’il eut en partage le bonheur extraordinaire de cueillir les fleurs de chacune, de ces saisons, car le grand âge lui-même a sa floraison, et il fut donné à notre ami d’en jouir de la manière la plus heureuse. Il y a peu de mois que les frères unis couronnaient pour lui de roses leur sphinx mystérieux, pour faire entendre que, si Anacréon.le vieillard, entreprit de parer avec de légères branches de roses sa sensualité élevée, la sensualité morale, la volupté modérée, ingénieuse, de notre noble Wieland, méritait une riche et pleine couronne. Il y a peu de semaines que cet excellent ami assistait à nos réunions et même y déployait son activité. C’est à travers nos rangs qu’il a pris sa course pour quitter le monde terrestre ; nous lui fûmes encore au dernier moment plus proches que le reste du monde, et, quand la patrie, quand les pays étrangers, célèbrent sa mémoire, où devait-elle être célébrée plus tôt et plus vivement que chez nous ?

Je n’ai donc pu nie refuser aux respectables commandements de nos maîtres, et je prononce d’autant plus volontiers dans cette honorable assemblée quelques mots consacrés à sa mémoire, qu’ils pourront être les fugitifs avant-coureurs de ce que le monde’et notre confrérie feront bientôt pour lui. C’est ce sentiment, cette intention, en fayeur desquels j’ose solliciter une attention bienveillante, et, si des paroles qui me seront inspirées par une affection éprouvée durant- près de quarante ans plus que par une méditation oratoire ; si un discours sans enchaînement convenable, de courtes réflexions, des idées éparses, ne semblaient pas dignes de l’homme célébré et de ceux qui le célèbrent, je dois faire observer qu’il ne faut attendre ici qu’un travail préparatoire, une esquisse, le fond ou, si l’on veut, les premiers traits d’un ouvrage futur. Sans tarder davantage, je pas’se donc au sujet qui nous est si cher, si précieux, et même sacré.

Wieland naquit en 1733 à Biberach, petite ville impériale de Souabe. Son père, ministre évangélique, lui donna une éduca-