Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/422

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tandis qu’un poëte français devrait porter dans ses armes, sous quelque symbole, la Semaine de Dubartas, comme l’archeveque de Mayence porte la roue.

Mais, pour que notre exposition aphoristique ne semble pas vague et paradoxale, nous demanderons si les quarante premiers vers du septième jour de la Semaine de Dubartas ne sont pas excellents ; s’ils ne méritent pas de figurer dans toute chrestomathie française ; s’ils ne soutiennent pas la comparaison avec d’estimables production plus récentes ?

Les connaisseurs allemands seront de notre avis, et ils nous remercieront d’avoir fixé leur attention sur cet ouvrage. Mais les Français continueront sans doute à méconnaître ce qu’il renferme de bon et d’excellent, à cause des bizarreries qu’il présente.

Car la culture intellectuelle, toujours en progrès, et parvenue à sa maturité sous Louis XIV, s’est constamment efforcée de bien distinguer tous les genres de poésie et de style, en procédant, non pas de la forme, mais du fond, et en écartant certaines idées, certaines pensées, certaines expressions de la tragédie, de la comédie, de l’ode (avec laquelle on ne pouvait en finir) ; en admettant au contraire d’autres à leur place, dans chaque genre particulier, comme spécialement appropriées et réservées à ce genre.

On traita les différents genres de poésie comme différentes sociétés, dans lesquelles aussi est convenable une conduite particulière. Les hommes ne se comportent pas quand ils sont seuls entre eux comme quand ils sont avec des dames ; une société change d’aspect quand il y paraît un grand personnage, auquel on doit du respect. Le Français, dans ses jugements sur les ouvrages d’esprit, ne craint non plus nullement de parler de convenances, expression qui ne peut être admise que pour les bienséances de la société. Et il ne s’agit pas là-dessus de contester avec lui, mais de s’appliquer à reconnaître à quel point il a raison. On peut se féliciter qu’une nation si spirituelle et si polie ait été forcée de faire cette expérience et le soit de la continuer.

Mais, dans un sens plus élevé, l’essentiel est de savoir quelles limites le génie s’est tracées pour y déployer son action, quels éléments il rassemble pour en composer son œuvre.