Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/487

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

part, il observe, d’un vif et joyeux regard, les œuvres de la nature qui manifestent leur vie dans une existence durable, dans la croissance et le mouvement, et que nous avons coutume d’appeler choses inanimées, et il s’approche de la poésie descriptive, en donnant toutefois à ses tableaux, par d’heureuses personnifications, une haute valeur esthétique. D’une autre part, il incline vers le genre moral, didactique, et l’allégorie, mais ici ses personnifications viennent encore à son aide, et comme il a trouvé d’abord ses corps pour un esprit, ici il trouve pour ses esprits un corps. Cela ne lui réussit pas constamment ; mais, quand il réussit, ses travaux sont excellents, et, à notre avis, la plupart méritent cet éloge.

Les poètes antiques et ceux qui se sont formés par le goût plastique animent par des figures idéales ce qu’on appelle nature inanimée ; ils mettent des essences supérieures, divines, des nymphes, des dryades et des hamadryades, à la place des rochers, des sources, des arbres : l’auteur des Poésies alémaniques change ces objets naturels en campagnards, et, d’une manière toute naïve et charmante, il « empaysanne « tout l’univers, si bien que la campagne, dans laquelle on voit d’ailleurs toujours le campagnard, semble, dans notre imagination exaltée et réjouie, ne faire plus qu’un avec lui.

Le lieu de la scène est extrêmement favorable au poête. Il s’arrête surtout au coin de pays que limite le Rhin en tournant de Baie vers le Nord. Un ciel serein, une terre fertile, un paysage varié, des eaux vives, un peuple gai, jaseur, qui sait peindre par la parole, des formes de conversation familières, un langage railleur : tout cela est au service du poète, pour exprimer ce que lui inspire son talent.

La première pièce renferme déjà un très-joli anthropomorphisme. Une petite rivière, nommée la Wiese, qui a sa source au Feldberg, est représentée comme une jeune paysanne qui toujours avance et grandit, et qui, après avoir parcouru une remarquable contrée de montagnes, arrive dans la plaine et finit par se marier avec le Rhin. Le détail de ce pèlerinage est singulièrement joli, spirituel, varié, développé avec une tenue parfaite et une progression croissante.

Si nous portons nos regards de la terre au ciel, nous trou-