Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/490

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Marie et les blessures saignantes du Sauveur. Le poète fait des anges un délicieux emploi, en les associant aux destinées de l’humanité et aux phénomènes de la nature.

Si, dans les pièces citées jusqu’à présent, le poète a saisi trèsheureusement la réalité, on remarque bientôt qu’il a très-bien compris les principaux caractères du sentiment et de la tradition populaire. Cette précieuse qualité se montre principalement dans deux légendes populaires dont il a fait deux idylles.

La première, VEscarlioude, légende fantastique, représente un jeune paysan libertin, adonné surtout aux jeux de cartes, qui court irrésistiblement dans les filets du malin, et cause la ruine de sa famille puis la sienne propre. La fable, avec tous ses développements, est excellente, et le sujet fort bien traité.

J’en dirai autant du Maire de Schopflieim. Il commence d’un ton grava et mystérieux, on s’attend presque à une fin tragique, et il aboutit à une heureuse conclusion. C’est proprement l’histoire de David et Abigaïl, non pas parodiée mais incarnée sous le costume de paysans modernes.

Ces deux pièces, traitées sous forme d’idylles, présentent l’histoire à l’auditeur comme racontée par des paysans, et elles y gagnent beaucoup, les bons et naïfs narrateurs ayant l’habitude d’animer le récit par de vives prosopopées et par l’intérêt immédiat qu’ils prennent à l’affaire, comme si elle était présente.

Une langue familière et naïve fait très-bien valoir les mérites du fond. On rencontre beaucoup de mots expressifs et harmonieux, les uns particuliers à ces contrées, les autres empruntés au français et à l’italien ; des mots d’une ou deux lettres, des abréviations, des contractions, beaucoup de syllabes courtes, légères, des rimes nouvelles, avantage plus grand qu’on ne le croit pour le poète. Ces éléments sont resserrés par d’heureuses constructions et des formes vives en un style qui a pour cet objet de grands avantages sur notre langue des livres.

Nous souhaitons que l’auteur poursuive dans cette voie ; qu’il veuille aussi prendre en considération ce que nous avons dit sur le fond de la poésie, et qu’il donne encore plus d’attention à la partie technique, surtout à ses vers sans rime, afin qu’ils soient toujours plus achevés et plus agréables à la nation. Car, s’il est désirable qu’on puisse nous présenter dans un diction-