Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/494

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toutes différentes ; entrainés par leur préférence pour tel ou tel modèle national ou étranger, contraints à toutes sortes de tentatives et même de bousillages, pour essayer, sans direction, leurs propres forces ; avertis seulement par degrés et par leurs méditations de ce qu’on doit faire ; instruits par la pratique de ce qu’on peut faire ; sans cesse rejetés dans la confusion par un grand public sans goût, qui se repaît du mauvais après le bon avec le même plaisir, puis ranimés par la connaissance qu’ils font du public éclairé, mais dispersé dans toutes les parties du grand empire ; fortifiés par des contemporains, qui travaillent, qui s’évertuent comme eux : les écrivains allemands arrivent enfin à l’âge mûr, où le souci de leur entretien, le souci d’une famille, les oblige de se chercher une position, et souvent, avec le sentiment le plus triste, de se procurer, par des travaux qu’eux-mêmes ils n’estiment pas, les moyens de pouvoir produire les choses dont leur esprit cultivé voudrait s’occuper uniquement. Quel écrivain allemand, en réputation, ne se reconnaîtra pas dans ce portrait ? Lequel n’avouera pas avec une modeste douleur qu’il a soupiré souvent après l’occasion de soumettre plus tôt les singularités de son génie original à une culture nationale universelle, que, par malheur, il ne rencontrait pas ? Car la culture des hautes classes par des mœurs et par une littérature étrangères, quelques nombreux avantages qu’elle nous ait procurés, a empêché l’Allemand de se développer plus tôt comme Allemand.

Qu’on observe maintenant les travaux de nos poètes et de nos prosateurs d’une réputation bien établie. Avec quel soin, avec quelle religion, ils ont obéi dans leur marche à une conviction éclairée ! Ce n’est pas aller trop loin, par exemple, d’affirmer que, par la comparaison des diverses éditions de notre Wieland, de cet homme dont nous osons nous glorifier en dépit du murmure de tous les frondeurs, un littérateur judicieux et appliqué pourrait développer toutes les règles du goût au moyen des corrections graduelles de cet écrivain infatigable à chercher le mieux. Que tout bibliothécaire attentif ait soin de rassembler cette collection, qui est possible encore, et le siècle qui vient saura en faire usage avec reconnaissance.

Peut-être oserons-nous tracer plus tard l’histoire du déve-