Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/504

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et sans considérer si leur but n’est pas trop reculé dans le vague.

Car, par malheur, un observateur bienveillant ne tarde pas à remarquer que le bien-être juvénile diminue soudain : que le regret des joies évanouies, la poursuite langoureuse des biens perdus, l’aspiration à l’inconnu, à l’inaccessible, le découragement, les invectives contre les obstacles de tout genre, la lutte contre la disgrâce, l’envie et la persécution, troublent la source claire. Et nous voyons la joyeuse société s’éparpiller et se disperser en ermites misanthropes : aussi est-il bien difficile de faire comprendre aux talents de tout genre et de tout degré que LA MUSE ACCOMPAGNE VOLONTIERS LA VIE, MAIS NE SAIT NULLEMENT LA DIRIGER.

Quand nous entrons dans la vie active et forte, quelquefois fâcheuse, où nous devons tous, tels que nous sommes, nous sentir dépendants d’un grand ensemble, si nous redemandons tous nos premiers rêves, nos vœx, nos espérances et les agréments des vieux contes, la Muse s’éloigne et cherche la société de celui qui renonce avec sérénité, qui se relève aisément, qui sait dérober quelques jouissances à chaque saison, qui donne le temps convenable au chemin de glace comme au jardin de roses, qui fait taire ses propres douleurs, et cherche attentivement autour de lui où il pourrait trouver une douleur à calmer, une joie à faire éclore.

Alors les années ne le sépareront point des nobles déesses, car, tout comme elles se plaisent à l’innocence ingénue, elles marchent volontiers aux côtés de la sagesse prudente ; là, favorisant dans son germe un être naissant, d’une belle espérance ici, prenant plaisir à un être accompli dans son entier développement. qu’il me soit permis de finir par quelques rimes ces épanchements.

À l’âge où d’espoir on s’énivre,
Jeune homme, écoute, et te souviens
Que la Muse, qui sait nous suivre,
À nous conduire n’entend rien.