Page:Goethe - Poésies, trad. Blaze, 1843.djvu/62

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BONHEUR DE L’ÉLOIGNEMENT.


Aspire, ô jeune homme ! tant que dure le jour, les regards de ta bien-aimée ; le soir, enivre-toi de son image, sois le plus fortuné des amants, n’importe, rien ne vaut le bonheur d’être loin de sa maîtresse.

Des forces éternelles, le temps et la distance, mystérieusement comme les étoiles, me versent dans le sang le baume de la paix. Mon sentiment en devient plus tendre, mon cœur plus léger, et mon bonheur s’en accroît.

Nulle part je ne puis l’oublier, et pourtant je puis dîner tranquille. Mon esprit est serein et libre ; un délire inappréciable fait de l’amour une vénération, du désir une rêverie.

Le nuage éthére, quand le soleil l’attire, flotte dans les bouffées de l’air, moins léger que mon cœur dans la joie et le repos. Libre de toute crainte, trop grand pour être jaloux, je l’aime, et je l’aime éternellement !





À LA LUNE.


Sœur de la clarté première, image de la tendresse dans le deuil ! La nue argentée ilotte en tremblotant autour de ton visage gracieux ; ton pied, dans sa course légère, tire de leurs cavernes impénétrables au jour les âmes éplorées des morts, les oiseaux nocturnes et moi.

Ton regard curieux plane au loin dans l’immensité. Éleve-moi vers toi ! donne a la rêverie ce bonheur ; et fais qu’en un calme voluptueux, chevalier errant, je surveille à travers les vitraux les nuits de ma maîtresse.

La sereine volupté de la contemplation adoucit les peines de l’absence ; je rassemble tes rayons, j’aiguise mon