Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/71

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un droschki, qu’enveloppaient d’énormes tabliers de cuir, et qui, dès que le cocher agitait ses lèvres pour faire mouvoir de vieux chevaux qui avaient servi dans la milice, commençait à remplir l’air de bruits étranges où l’on croyait entendre tout à coup le son d’une flûte ou d’un tambourin ; chaque clou, en effet, chaque écrou résonnait de façon que, du moulin, à deux verstes de distance, on entendait que la dame quittait son château. Pulchérie Ivanovna ne pouvait pas manquer d’apercevoir l’extermination de ses bois et l’enlèvement des chênes que, dans sa jeunesse, elle avait connus déjà séculaires.

— Pourquoi donc, Nitchipor, dit-elle à son intendant qui l’accompagnait, pourquoi donc les chênes sont-ils devenus si clair-semés ? prends garde que tes cheveux ne deviennent aussi clairsemés.

— Pourquoi clair-semés ? répondit l’intendant ; ils ont disparu, tout à fait disparu. La foudre est tombée sur eux, les vers les ont mangés ; enfin ils ont disparu, madame, ils ont disparu. —

Pulchérie Ivanovna fut complétement satisfaite par cette réponse ; et, rentrée à la maison, elle donna seulement l’ordre de doubler la garde autour des cerisiers d’Espagne et des grands poiriers d’hiver. Ses dignes régisseurs, l’intendant et le starosta, trouvèrent ensuite qu’il était entièrement inutile d’amener toute la farine jusqu’aux greniers