Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/131

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et leurs armures étaient fort simples, et l’on ne voyait, dans tous les escadrons, que de longues files bigarrées de bonnets noirs à la pointe rouge.

Deux Cosaques sortirent des rangs des Zaporogues. L’un était tout jeune, l’autre un peu plus âgé ; tous deux avaient, selon leur façon de dire, de bonnes dents pour mordre, non seulement en paroles, mais encore en action. Ils s’appelaient Okhrim Nach et Mikita Colokopitenko. Démid Popovitch les suivait, vieux Cosaque qui hantait depuis longtemps la setch, qui était allé jusque sous les murs d’Andrinople, et qui avait souffert bien des traverses en sa vie. Une fois, en se sauvant d’un incendie, il était revenu à la setch, avec la tête toute goudronnée, toute noircie, et les cheveux brûlés. Mais depuis lors, il avait eu le temps de se refaire et d’engraisser ; sa longue touffe de cheveux entourait son oreille, et ses moustaches avaient repoussé noires et épaisses. Popovitch était renommé pour sa langue bien affilée.

— Toute l’armée a des joupans rouges, dit-il ; mais je voudrais bien savoir si la valeur de l’armée est rouge aussi[1] !

— Attendez, s’écria d’en haut le gros colonel ; je vais vous garrotter tous. Rendez, esclaves, rendez vos mousquets et vos chevaux. Avez-vous vu comme j’

  1. Le mot russe krasnoï veut dire rouge et beau, brillant, éclatant.