Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/184

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Tais-toi donc, si tu ne veux pas te faire de mal toi-même.

Cependant Tarass s’efforçait toujours de mettre ordre à ses idées, et de se souvenir du passé.

— Mais j’ai donc été pris et cerné par les Polonais ?… Mais il m’était impossible de me faire jour à travers leurs rangs ?…

— Te tairas-tu encore une fois, fils de Satan, s’écria Tovkatch en colère, comme une bonne poussée à bout par les cris d’un enfant gâté. Qu’as-tu besoin de savoir de quelle manière tu t’es sauvé ? il suffit que tu sois sauvé, il s’est trouvé des amis qui ne t’ont pas planté là ; c’est assez. Il nous reste encore plus d’une nuit à courir ensemble. Tu crois qu’on t’a pris pour un simple Cosaque ? non ; ta tête a été estimée deux mille ducats.

— Et Ostap ? s’écria tout à coup Tarass, qui essaya de se mettre sur son séant en se rappelant soudain comment on s’était emparé d’Ostap sous ses yeux, comment on l’avait garrotté et comment il se trouvait aux mains des Polonais.

Alors, la douleur s’empara de cette vieille tête. Il arracha et déchira les bandages qui couvraient ses blessures ; il les jeta loin de lui ; il voulut parler à haute voix, mais ne dit que des choses incohérentes. Il était de nouveau en proie à la fièvre, au délire, des paroles insensées s’échappaient sans lien et sans ordre de ses lèvres. Pendant ce temps, son