Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/188

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le reste avait pu se rallier pour gagner l’embouchure du Dniepr, avec douze tonnes remplies de sequins. Tout cela n’occupait plus Tarass. Il s’en allait dans les champs, dans les steppes, comme pour la chasse ; mais son arme demeurait chargée ; il la déposait près de lui, plein de tristesse, et s’arrêtait sur le rivage de la mer. Il restait longtemps assis, la tête baissée, et disant toujours :

— Mon Ostap, mon Ostap !

Devant lui brillait et s’étendait au loin la nappe de la mer Noire ; dans les joncs lointains on entendait le cri de la mouette, et, sur sa moustache blanchie, des larmes tombaient l’une suivant l’autre.

À la fin Tarass n’y tint plus :

— Qu’il en soit ce que Dieu voudra, dit-il, j’irai savoir ce qu’il est devenu. Est-il vivant ? est-il dans la tombe ? ou bien n’est-il même plus dans la tombe ? Je le saurai à tout prix, je le saurai.

Et une semaine après, il était déjà dans la ville d’Oumane, à cheval, la lance en main, la sabre au côté, le sac de voyage pendu au pommeau de la selle ; un pot de gruau, des cartouches, des entraves de cheval et d’autres munitions complétaient son équipage. Il marcha droit à une chétive et sale masure, dont les fenêtres ternies se voyaient à peine ; le tuyau de la cheminée était bouché par un torchon, et la toiture, percée à jour, toute couverte de moineaux : un tas d’ordures s’étalait devant la porte