Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/45

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une brise, fraîche et caressante comme les ondes de la mer, se balançait sur les pointes des herbes, effleurant à peine la joue du voyageur. Tout le concert de la journée s’affaiblissait, et faisait place peu à peu à un concert nouveau. Des gerboises à la robe mouchetée sortaient avec précaution de leurs gîtes, se dressaient sur les pattes de derrière, et remplissaient la steppe de leurs sifflements. Le grésillement des grillons redoublait de force, et parfois on entendait, venant d’un lac lointain, le cri du cygne solitaire, qui retentissait comme une cloche argentine dans l’air endormi. À l’entrée de la nuit, nos voyageurs s’arrêtaient au milieu des champs, allumaient un feu dont la fumée glissait obliquement dans l’espace, et, posant une marmite sur les charbons, faisaient cuire du gruau. Après avoir soupé, les Cosaques se couchaient par terre, laissant leurs chevaux errer dans l’herbe, des entraves aux pieds. Les étoiles de la nuit les regardaient dormir sur leurs caftans étendus. Ils pouvaient entendre le pétillement, le frôlement, tous les bruits du monde innombrable d’insectes qui fourmillaient dans l’herbe. Tous ces bruits, fondus dans le silence de la nuit, arrivaient harmonieux à l’oreille. Si quelqu’un d’eux se levait, toute la steppe se montrait à ses yeux diaprée par les étincelles lumineuses des vers luisants. Quelquefois la sombre obscurité du ciel s’éclairait par