Page:Goldenweiser - Le Crime comme peine, la peine comme crime.djvu/73

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« Ah ! ce que je viens de voir ! Deux détenus viennent d’être tués. »

« Les ont tués ceux qui les menaient de force » est sa réponse.

D’après sa conviction fondamentale, il voit la cause de ce meurtre non dans les sujets mais dans le système :

« Ce qui est le plus affreux c’est que l’on a tué un homme et que personne ne sait qui l’a tué. On l’a conduit, comme les autres détenus, sur l’ordre de Maslennikow. Celui-ci a probablement donné ses ordres habituels, a signé de son paraphe imbécile un papier à en-tête imprimé, et certainement ne se jugera en aucune façon coupable. S’en jugera encore moins le médecin de la prison qui a visité les détenus. Il a rempli ponctuellement son devoir, a mis de côté les faibles et ne pouvait prévoir ni cette chaleur étouffante ni qu’on les conduirait si tard et en si grand nombre. L’inspecteur ?… mais lui n’a fait qu’exécuter l’ordre qui lui était donné de faire embarquer, tel jour, tant de forçats, de déportés, d’hommes et de femmes. De même, ne peut être coupable le chef du convoi, dont le devoir consiste à recevoir un nombre déterminé de condamnés et à en remettre autant. Il menait son convoi comme il devait le faire et ne pouvait pas prévoir que deux individus aussi solides que ceux que vit Nekludoff ne supporteraient pas le trajet et mourraient en route. En un mot personne n’est coupable, et pourtant des hom-