Page:Goldenweiser - Le Crime comme peine, la peine comme crime.djvu/96

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entière satisfaction en touchant de sa main gauche le biceps tendu de son bras droit « que rien ne soutient comme les douches et la gymnastique ».

Ce sont les sentiments qui font avancer l’histoire et non l’intelligence. Éduquer ces sentiments, leur donner une nouvelle direction et de nouveaux aliments — voilà la plus grande des missions. Dans ce sens, l’influence de la Résurrection est immense.

Il suffit déjà que sous cette influence, personne, et ceci est certain, ne puisse sans torture morale, voir passer devant soi, dans un cliquetis de chaînes, de menottes et d’autres accessoires, un convoi de détenus ou de déportés. Le sentiment général sera celui qu’éprouvait l’enfant assis dans la calèche retenue par le convoi des prisonniers traversant Moscou, quand, sous l’impression insurmontablement pénible de ce qu’il voit, il sent « ses lèvres se gonfler » ; il deviendra général mais sans la confusion qu’éprouvait l’enfant et qui lui faisait retenir ses larmes « pensant qu’il est honteux de pleurer dans « cette circonstance ». Auparavant ce spectacle faisait également éprouver une confusion morale chez les passants, mais dans laquelle prédominait la curiosité ; tandis qu’à présent chacun fermera involontairement les yeux comme en sentant peser sur soi la responsabilité de cette horreur. La nausée morale se transformant en dégoût physique que Nekludoff éprouvait dans la prison, aux étapes, etc, sera ressentie à présent par tout le monde. Ceci est déjà une des plus grandes réponses obtenues, celles que peut créer la vie sous cette influence ont ici