Page:Goldoni - Les chefs d'oeuvres dramatiques, trad du Rivier, Tome I, 1801.djvu/394

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La Comtesse.

Que désireriez-vous, Monsieur ?

Le Marquis.

Parlez-moi avec votre franchise ordinaire ; si j’étais par hasard l’époux qu’on vous destine, me pourrais-je flatter du bonheur de vous plaire ?

La Comtesse.

Si vous aimez la sincérité, permettez que je vous dise que non.

Le Marquis.

Je suis donc horrible à vos yeux ?

La Comtesse.

Je ne vous dirai pas si votre extérieur me plaît ou me déplaît ; je me borne à vous témoigner que vos derniers mots annoncent en vous un peu trop de licence militaire. Je ne veux dans mon époux ni trop de grossièreté, ni trop de rudesse ; mais je désire trouver en lui de l’honnêteté, des mœurs et de la prudence. (Elle sort.)


Scène VI.

Le Marquis, (seul.)

Dans quelle horrible confusion elle me laisse ! grand Dieu ! J’aime dans la Comtesse ce caractère qui a pour base la plus pure sincérité : mais je me vois à l’instant d’en être refusé, et combien cette perte me serait plus douloureuse, après avoir découvert tout ce qu’elle possède d’amabilité et de vertus ! Elle m’a dit sans détour que si j’étais celui dont j’ai tracé le portrait, elle ne s’en contenterait point… Il est vrai que mon transport, bien innocent cependant, l’a forcée de me parler ainsi : mais elle pourrait,