Page:Goldoni - Les chefs d'oeuvres dramatiques, trad du Rivier, Tome I, 1801.djvu/416

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à l’auteur même de mes jours. Vous seul, mon père, avez le droit de me commander ; et vous pourriez compter sur une obéissance aveugle, s’il s’agissait d’un sacrifice moins grand, moins incertain, et sur-tout moins dangereux.

Le Baron, (à part.)

Je crois cependant encore qu’elle a de l’inclination pour moi.

Le Comte, (à part.)

Je veux savoir si elle parle sincèrement, ou si elle cherche à m’abuser. (Haut.) Tu crains donc que le marquis Leonardo ne te plaise pas ?

La Comtesse.

Et croyez-vous ma crainte sans fondement ?

Le Comte.

Et dans le cas où il ne te plairait pas, tu es bien décidée à le refuser ?

La Comtesse.

Mon père, au nom du ciel…!

Le Comte.

Allons, je ne veux point que tu me croies assez barbare pour vouloir forcer ton inclination, et te condamner à un malheur éternel. Je me flattai qu’en te faisant sortir de Milan, je te trouverais plus docile : je te soupçonnais préoccupée d’une passion secrète… Je te crois parfaitement libre ; tu persistes dans ta pensée, et je ne dois plus songer à hasarder ma réputation à Turin. Retournons donc à Milan. Je trouverai moyen de retirer la parole que j’ai donnée au Marquis, et je te rendrai ta liberté toute entière. Tu sens bien, d’un autre côté, que les langues de nos chers compatriotes vont s’exercer à nos dépens. Il faudrait nécessairement que tu acceptasses un autre époux qui te convînt davantage. Le baron Talismani est un seigneur du premier mérite : j’ai eu tort de me plaindre de lui ; mais je le croyais dans tes secrets.