Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/17

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tout lui apporter son fil, et toujours sans peser… Il était très-ami avec le maître d’école, et c’était lui qui élisait les sentences au carnaval. Mon père, lui, c’était autre chose : il travaillait un moment, une heure, comme ça… et puis il s’en allait dans les champs… et puis quand il rentrait, il nous battait, et fort… Il était comme fou… on disait que c’était d’être poitrinaire. Heureusement qu’il y avait là mon frère : il empêchait ma seconde sœur de me tirer les cheveux, de me faire du mal… parce qu’elle était jalouse. Il me prenait toujours par la main pour aller voir jouer aux quilles… Enfin il soutenait à lui seul la maison… Pour ma première communion, en donna-t-il de ces coups de battant ! Ah ! il en abattit de l’ouvrage pour que je fusse comme les autres avec une petite robe blanche où il y avait un tuyauté, et un petit sac à la main, on portait alors de ça… Je n’avais pas de bonnet : je m’étais fait, je me souviens, une jolie couronne avec des faveurs et de la moelle blanche qu’on retire en écorçant de la canette : il y en a beaucoup chez nous dans les places où on met rouir le chanvre… Voilà un de mes bons jours ce jour-là… avec le tirage des cochons à Noël… et les fois où j’allais aider pour accoler la vigne… c’est au mois de juin, vous savez… Nous en avions une petite au haut de Saint-Hilaire… Il y eut ces années-là une année bien dure… vous vous rappelez, mademoiselle ?… la grêle de 1828 qui perdit tout… Ça alla jusqu’à Dijon, et plus loin… on fut obligé de faire du pain avec du son…