Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/31

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mille livres, mon Rosso ! oui, monsieur, cent mille livres !… Sa fille, effrayée de tout l’argent que ces grandes vilaines choses, où étaient de grands affreux hommes tout nus, prenaient au ménage, essayait des représentations, voulait arrêter cette ruine : M. de Varandeuil s’emportait, s’indignait en homme honteux de trouver si peu de goût dans son sang, lui disait que plus tard ce serait sa fortune, qu’elle verrait s’il était un imbécile. À la fin, elle le décidait à réaliser. La vente eut lieu : ce fut un désastre, un des plus grands écroulements d’illusions qu’ait vus la salle vitrée de l’hôtel Bullion. Blessé à fond, furieux de cet échec qui n’était pas seulement une perte d’argent, un accroc à sa petite fortune, mais une défaite du connaisseur, un soufflet donné à ses connaissances sur la joue de ses Raphaël, M. de Varandeuil déclara à sa fille qu’ils étaient désormais trop pauvres pour rester à Paris et qu’il fallait aller vivre en province. Élevée et bercée par un siècle qui formait peu les femmes à l’amour de la campagne, Mlle de Varandeuil essaya vainement de combattre la résolution de son père : elle fut obligée de le suivre où il voulait aller et de perdre, en quittant Paris, la société, l’amitié de deux jeunes parentes auxquelles, dans de trop rares entrevues, elle s’était demi ouverte et dont elle avait senti le cœur venir à elle comme à une sœur aînée.

C’était à l’Isle-Adam que M. de Varandeuil louait une petite maison. Il se trouvait là près d’anciens