Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/39

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cœur les colères et le feu des haines qui brûlent sous le tropique. Elle prit ses enfants pour se venger, les poussa, les excita, les aiguillonna contre sa belle-sœur. Elle les encouragea à en rire, à s’en moquer. Elle applaudit à cette mauvaise petite intelligence d’enfants chez qui l’observation commence par la méchanceté. Une fois lâchées, elle les laissa rire de tous les ridicules de leur tante, de son physique, de son nez, de ses toilettes dont la misère pourtant faisait leur élégance, toutes deux. Ainsi dressées et soutenues, les petites arrivèrent vite à l’insolence. Mlle  de Varandeuil avait la vivacité de sa bonté. Chez elle, la main appartenait, aussi bien que le cœur, au premier mouvement. Puis sur la manière d’élever les enfants, elle pensait comme son temps. Elle toléra bien sans rien dire deux ou trois impertinences, mais, à la quatrième, elle empoigna la rieuse et, lui troussant les jupes, elle lui donna, malgré ses douze ans, la plus belle fessée qu’elle eût jamais reçue. La mulâtresse jeta les hauts cris, dit à sa belle-sœur qu’elle avait toujours détesté ses enfants, qu’elle voulait les lui tuer. Le frère s’interposa entre les deux femmes et parvint à les rapatrier tant bien que mal. Mais il arriva de nouvelles scènes où les petites filles, enragées contre la femme qui faisait pleurer leur mère, torturèrent leur tante avec des raffinements d’enfants terribles mêlés à des cruautés de petites sauvagesses. Après plusieurs replâtrages, il fallut se séparer. Mlle  de Varandeuil se décida à quitter son frère