Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur elle, la salue très émotionné, et, après quelques mots vagues et balbutiants, lui demande la permission de lui écrire.

— « M’écrire… qu’avez-vous à m’écrire ? me dit-elle avec un sourire indéfinissable.

— Oh ! Madame, je suis affreusement timide, et j’ai à vous écrire ce que je n’ose vous dire.

— Mais quoi ? Est-ce que vous avez à vous plaindre ? Est-ce que ma petite crie trop fort ? Est-ce qu’elle vous dérange dans votre travail ? Du reste, nous allons bientôt partir pour la campagne.

— Vous allez aux bains de mer avec Mme ***, et je lui nomme une femme de la société de sa connaissance.

— Les bains de mer me sont défendus.

— Par qui donc, Madame ?

— Mais par les médecins, oui, Monsieur, j’ai une maladie noire.

— Le spleen ?

— Le spleen, si vous voulez… Je m’ennuie… On ne s’en douterait pas. Tout le monde qui me voit, me dit : Comme vous êtes bien portante !… Mon mari voulait m’emmener à Fontainebleau. Mais c’est trop sévère, nous irons sans doute à Ville-d’Avray, j’aime beaucoup le parc de Saint-Cloud.

Un silence. On était près de la Belle française. — J’entre ici un instant, fait-elle. J’attends. Elle ressort presque aussitôt et dit : — Ce serait plus court par la rue de Provence, mais revenons par là. Quelle flâneuse je fais !