Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/278

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

— Dans les tableaux italiens, l’écartement des yeux dans les têtes, marque l’âge de la peinture. De Cimabue à la Renaissance, les yeux vont de maître en maître en s’éloignant du nez, quittent le caractère du rapprochement byzantin, regagnent les tempes, et finissent par revenir chez Le Corrège et chez André del Sarte à la place où les mettaient l’Art et la Beauté antique.

Décembre. — La plus étonnante modernité étonne et charme dans Lucien. Ce Grec de la fin de la Grèce et du crépuscule de l’Olympe, est notre contemporain par l’âme et l’esprit. Son ironie d’Athènes commence la « blague de Paris ». Ses dialogues des courtisanes semblent nos tableaux de mœurs. Son dilettantisme d’art et de scepticisme se retrouve dans la pensée d’aujourd’hui. La Thessalie de Smarra, la patrie nouvelle du fantastique s’ouvre devant son âne. Son style même a l’accent du nôtre. Le boulevard pourrait entendre les voix qu’il fait parler sous la Lesché ! Un écho de son rire rit encore, sur nos tréteaux, contre le ciel des dieux… Lucien ! en le lisant, il me semble lire le grand-père de Henri Heine : des mots du grec reviennent dans l’allemand, et tous deux ont vu aux femmes des yeux de violettes.