Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chose grave, Balzac, il faut être convenable pendant les quelques jours que nous sommes ici, » et il lâchait le grand écrivain le moins possible. Un jour qu’il avait été obligé de le quitter deux heures, il le retrouvait sur la place où il avait accroché le sous-préfet, et lui racontait comment les petites filles s’amusent dans les pensions.

Dans ce voyage où Gavarni était obligé de veiller à la propreté de son compagnon, un jour il ne pouvait s’empêcher de lui dire :

— « Ah çà, Balzac, pourquoi n’avez-vous pas un ami… oui, un de ces bourgeois bêtes et affectueux, comme on en trouve… qui vous laverait les mains, mettrait votre cravate, enfin qui prendrait de vous le soin que vous n’avez pas le temps… »

— « Oh ! s’écria Balzac, un ami comme ça, je le ferai passer à la postérité ! »

— Nos soirées, presque toutes les soirées, où nous ne travaillons pas, nous les passons dans le fond de la boutique d’un singulier marchand de tableaux, dans la boutique de X…, qui, sous le prétexte d’occuper l’oisiveté de sa vie, va encore manger une cinquantaine de mille francs à son père. Un grand, gros, fort garçon, occupé à remonter à toute minute, par un geste bête, une paire de lunettes qui lui dévale du nez, et si soufflé par tout le corps d’une mauvaise graisse, qu’il semble en baudruche, et que la plaisanterie ordinaire de Pouthier est de crier : « Fermez les fenêtres ou Pamphile va s’envoler ! »