Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/77

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qu’il se faisait des épingles à cravate avec du papier doré.

— Quand je me couche un peu gris, j’ai la sensation, en m’endormant, d’avoir la cervelle secouée dans un panier à salade par une femme, dont je n’aperçois que le bras et la main — et ce blanc bras et cette blanche main sont ceux de la Lescombat que j’ai entrevus une seule fois chez un mouleur.

— Prière d’un vieillard de ma connaissance :

« Faites, mon Dieu, que mes urines soient moins chargées, faites que les moumouches ne me piquent pas, faites que je vive pour gagner encore cent mille francs, faites que l’Empereur reste pour que mes rentes augmentent, faites que la hausse se soutienne sur les charbons d’Anzin. »

Et sa gouvernante avait ordre de lui lire cela, tous les soirs, et il le répétait, les mains jointes.

Grotesque ! sinistre ! hein ? Et au fond qu’est-ce ? la prière toute nue et toute crue !

— Quatre sous d’absinthe et deux sous de beurre, — deux mots jetés du haut en bas d’un escalier, deux mots qui résument la vie matérielle de la courtisane pauvre, — de quoi faire une sauce et de l’ivresse, le boire et le manger de ces créatures qui vivent à crédit sur un caprice d’estomac et une illusion de l’avenir.

— Je ne passe jamais à Paris devant un magasin de produits algériens, sans me sentir revenir au mois