Page:Goncourt - Journal, t2, 1891.djvu/50

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Enfin nous voilà dans la grande salle, haute, froide, rigide et nette, où un brancard tout prêt attend au milieu. Je l’assieds dans un fauteuil de paille près d’un guichet vitré. Un employé ouvre le guichet, me demande son nom, son âge… couvre d’écritures, pendant un quart d’heure, une dizaine de feuilles de papier qui ont en tête une image religieuse. Enfin, c’est fini, je l’embrasse… Un garçon la prend sous un bras, la femme de ménage sous l’autre… Alors je n’ai plus rien vu.

Jeudi 14 août. — Nous allons à Lariboisière. Nous trouvons Rose, tranquille, espérante, parlant de sa sortie prochaine, — dans trois semaines au plus, — et si dégagée de la pensée de la mort, qu’elle nous raconte une furieuse scène d’amour, qui a eu lieu hier entre une femme couchée à côté d’elle et un frère des écoles chrétiennes, — qui est encore là aujourd’hui. Cette pauvre Rose est la mort, mais la mort tout occupée de la vie.

Voisine de son lit, se trouve une jeune femme qu’est venu voir son mari, un ouvrier, et auquel elle dit : « Va, aussitôt que je pourrai marcher, je me promènerai tant dans le jardin, qu’ils seront bien forcés de me renvoyer ! » Et la mère ajoute : « L’enfant demande-t-il quelquefois après moi ?

— Quelquefois, comme ça ! », répond l’ouvrier.

Vendredi 15 août. — Je me réjouis d’aller ce soir au feu d’artifice, de me fondre dans la foule, d’y