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— J’ai rarement vu à un amateur l’air amusé par l’art d’une chose. Tous me rappellent toujours un peu celui-là, qui passait sa vie à étudier des dessins anciens. Il n’en avait jamais vu un seul, — il ne regardait que les marques.

— Taine m’envoie son livre. Il a ramassé toute l’Italie en trois mois : les tableaux, les paysages, la société, — cette société si impénétrable ; enfin le passé, le présent, l’avenir.

Heureusement qu’il y a de grandes indulgences pour les légèretés des hommes sérieux.

8 février. — À une soirée chez la princesse Mathilde.

Ce que j’aime surtout dans la musique : ce sont les femmes qui l’écoutent.

Elles sont là, comme devant une pénétrante et divine fascination, dans des immobilités de rêve, que chatouille, par instants, l’effleurement d’un frisson.

Toutes, en écoutant, prennent la tête d’expression de leur figure. Leur physionomie se lève et peu à peu rayonne d’une tendre extase. Leurs yeux se mouillent de langueur, se ferment à demi, se perdent de côté ou montent au plafond chercher le ciel. Des éventails ont, contre les poitrines, un battement pâmé, une palpitation mourante, comme l’aile d’un oiseau blessé ; d’autres glissent d’une main amollie