Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/58

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l’harmonie d’une grande musique de luth et de psaltérions.

Une figure de l’Écho — ou du moins l’image que je m’en faisais, — entrevue entre des arbres dans un bois de chênes-liège, répétait la musique, aussitôt qu’elle cessait, une, deux, trois fois, sur une note moqueuse.

Et c’étaient, à la queue des grands sonneurs de buccines, de petits sonneurs de cymbales qui écoutaient leur cuivre contre leur oreille ou en envoyaient au ciel le bruit strident, et derrière eux encore le cortège de petites bouches enfantines paraissant bêler un amoureux plain-chant, le plain-chant d’un gros livre de lutrin que portaient deux petits chanteurs.

Et je vois encore celui qui marchait en tête, un Cupidon faunin, nimbé par le rond d’un tambourin, et le rire aux lèvres, se balançant d’un pied sur une outre.

— Une femme, suprêmement maigre, les yeux profonds, le bleu de l’œil très clair dans l’effacement tendre des sourcils, un grand front, des tempes ramifiées de veinules bleuâtres, la bouche non sensuelle, la bouche sentimentale… Il y a des femmes qui ressemblent à une âme.

— Je dîne chez Philippe. Il y a là, à côté de nous, à une table, une famille bourgeoise avec trois enfants