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50 centimes par un officier de garde national à un pauvre mobile. »

J’entends deux femmes se disant derrière moi, dans un double soupir : « Il n’y a déjà plus rien à manger ! » En effet, je remarque la pauvreté des devantures de charcuterie, où ne se voient plus que quelques saucissons à l’enveloppe d’argent, et des bocaux de conserves de truffes.

Je reviens de la Halle par la rue Montmartre : les planches de marbre blanc de la maison Lambert, à cette époque si chargées de quartiers de chevreuil, de faisans, de gibier, sont nues, les bassins aux poissons sont vides, et dans ce petit temple de la gueule, se promène mélancoliquement un homme très maigre ; en revanche, à quelques pas de là, dans l’éclat du gaz, faisant étinceler un mur de boîtes de fer-blanc, une grosse fille joviale débite du Liebig.

Il vient du sérieux sur le visage des promeneurs qui s’approchent d’affiches blanches luisant au gaz ; je les vois les lire lentement, puis s’en aller, à petits pas, pensifs et recueillis. Ces affiches, ce sont les statuts des cours martiales, établies à Vincennes et à Saint-Denis. On s’arrête à cette phrase : « La condamnation sera exécutée, séance tenante, par le piquet commandé pour garder le lieu de la séance. » Et on songe avec un petit frisson qu’on entre dans le dramatique et le sommaire du siège.

Mercredi 28 septembre. — Les vifs et colorés ta-