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répétition du Candidat. La répétition est remise, et nous voilà, tous les deux, — Giraud et Gautier fils partis — à fumer et à causer, dans l’expansion d’un bon déjeuner.

Il me confie que la princesse écrit des Mémoires, et que c’est lui qui l’a décidée, en lui disant que si elle n’en faisait pas, on en ferait de faux qui passeraient pour vrais.

Il ajoute : « Enfin elle s’y est mise. Quand elle a fait un petit bout, elle est très contente, elle s’admire presque enfantinement, d’avoir fabriqué un morceau de livre. Lorsqu’il y en a huit ou dix pages, je les recopie, car vous devez savoir ce que c’est que son écriture, et elle est incapable de se recopier. Je n’ai pas besoin de vous dire, que je ne suis absolument qu’un copiste, que je ne veux peser en rien sur la liberté de sa manière… Mais attendez. » Il se lève et va chercher un petit cahier relié, et nous nous renfonçons dans le divan, et il commence la lecture.

Les mémoires commencent à l’enfance de la princesse, mêlée à l’enfance du prince Napoléon. Il y a, dans ces premières pages, un portrait très saisissant de la vieille Lætitia, de la mère inconsolée du César disparu, cette figure d’aïeule antique, avec ses mains de cire, et le ronronnement incessant de son rouet dans le silence du grand palais.

La langue parlée de la princesse, sa manière de pourtraire les gens, en brouillant un détail physique avec un trait moral, cela est vraiment pas mal con-