Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/298

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d’un roman de Walter Scott, s’allonge, s’assombrit, et le nouveau dîneur a l’air de trouver qu’on cause chez nous, trop longtemps de la même chose.

Mercredi 3 mai. — Lachaud, l’avocat, donnait ce soir un détail topique sur la dégénérescence de l’homme du peuple et de l’ouvrier, détail qu’il tenait d’une maîtresse de maison du boulevard extérieur, pour laquelle il avait plaidé.

Elle lui déclarait qu’il n’y avait plus rien à faire dans son état : l’amour dans les basses classes ayant, depuis quelque temps, perdu de son enragement. Elle ajoutait qu’autrefois, il fallait surveiller tout homme qui montait, pour qu’il ne redoublât pas. Maintenant, cette surveillance est inutile, l’homme du peuple de 1876 ne redouble plus.

Jeudi 4 mai. — Aujourd’hui les larmes me sont venues aux yeux, en corrigeant les épreuves d’une nouvelle édition de Charles Demailly. Jamais, je crois, il n’est arrivé de décrire par avance, d’une manière si épouvantablement vraie, le désespoir d’un homme de lettres sentant tout à coup l’impuissance et le vide de sa cervelle.