Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/344

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Eh bien, ça va-t-il la vente ?

— Mais on disait, ce matin, de l’autre côté de la Seine, que vous étiez saisi, j’ai retiré le livre de l’étalage. »

Partout, cependant sur mon passage, exposition du bouquin, au titre alarmant… Après tout, peut-être pensai-je, le livre est-il déjà arrêté chez Charpentier et pas encore chez les dépositaires. J’entre chez Vaton. Je recule à l’interroger. Il ne me dit rien… Inquiétude anxieuse, bile qui monte à la bouche et la fait amère… Mon moral est un héros, mais mon physique est un lâche. Je suis prêt à tout subir, à tout affronter, à n’accepter aucune compromission, à aller en prison, à perdre la considération bourgeoise et tout, mais, sacré nom de Dieu, je ne puis empêcher mon cœur d’avoir les battements de la peur d’une femme.

En m’approchant de chez Charpentier, il me vient le désir de rencontrer quelqu’un qui m’annonce la nouvelle, et m’évite d’y entrer.

Enfin m’y voici, et de l’autre côté de la porte, fouillant de l’œil le dessus de la barrière, pour voir s’il y a des rangées d’exemplaires. Ça existe, les rangées, et les employés font tranquillement des paquets, et le départ continue dans une pleine sécurité. Gaullet me dit qu’il y en a plus de 5,000 de partis, et que Charpentier qui avait fait tirer à 6,000, a donné l’ordre de faire retirer de suite 4,000.

Je suis devant Magny, — et du bordeaux et de la viande rouge dans l’estomac, — je commence à sa-