Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/366

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puis ce jour, le ménage qui a de quoi vivre cependant, mène une existence désespérée, répétant à tous ceux qui veulent les entendre : « Pourquoi qu’il n’a pas dit qu’un portrait de lui, se vendait 100,000 francs ? »

Nous voici, les paletots relevés, sous une bise froide, vous coupant le visage, dans la maigre et souffreteuse forêt de Sénart. On parle, en marchant, de Meilhac et de la modernité de ses pièces, on parle des femmes de la société bourgeoise se disputant Gambetta, on parle des catastropheux de la littérature, et de la mission officielle qu’ils se donnent, d’apprendre à leurs amis, sans en être priés, que leurs livres ne valent rien, on parle des Mémoires de Philarète Chasle, dont Daudet admire la vie du style.

Dans un café d’un petit village, on se réchauffe, avec un saladier de vin chaud, au milieu de paysans jouant au billard. Puis on rentre dans la forêt, toujours causant. On va à l’ermitage, dans lequel est encastrée une maison abrupte, au jardin fruitier devenu sauvage, qui appartient à Nadar.

De retour à la maison, on dîne avec des mets qui vous font venir des ampoules sur la langue, et des vins sucrés. Et la politique, qui n’avait fait que siffloter le matin, se met à hurler…

Mardi 10 octobre. — Aujourd’hui je suis mordu par mon roman de l’Actrice « La Faustin ». Le livre, sans