Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/262

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Et le voilà gagnant 125 francs par mois, qu’il double de 125 autres francs, conquis comme soliste, au moyen de cachets de 15 francs, pour un grand enterrement ou un grand mariage ; en sorte que le matin, il dessine à l’École des Beaux-Arts, qu’à onze heures, il chante dans une église, que dans l’après-midi il est à une répétition, que le soir, il joue. Et par là-dessus il passe une partie des nuits à lire et à écrire. Car il a une énorme ambition, et le désir irrité de devenir le premier de tous, en peinture, en littérature, en musique, en tout.

Enfin, avec le premier argent de sa peinture, avec les premiers 500 francs gagnés, il part avec sa jeune femme pour l’Italie. Mais à Rome, plus d’argent, et les voyageurs sans le sou, quand un peintre dont ils avaient fait connaissance, aide Raffaëlli à vendre un tableau, avec l’argent duquel il peut gagner Naples, un hasard heureux le met en rapport avec une famille anglaise, qui lui demande des leçons pour deux grandes filles. Et dans ce pays des cailles à trois sous pièce, du vin à un sou la bouteille, des corbeilles de figues pour rien, les soixante francs que lui rapportent les deux miss, permettent à Raffaëlli et à sa femme de passer tout l’hiver, et de vivre dans une aisance que le ménage n’avait jamais connue.

Les voyages terminés, la multiplicité des occupations, la fièvre du travail, donnaient au peintre une maladie nerveuse, qui le privait absolument de sommeil, et lui apportait les maniaqueries de ces terribles maladies : le faisant emménager soudainement dans