Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/307

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portrait de Manet, un moment retrouvée, mais si changé, avec de tels trous aux pommettes, un si immense front sous ses cheveux rebroussés, que vraiment dans la rue, je serais passé à côté de lui, sans lui donner la main.

Devant notre étonnement, où il y a un peu d’effroi de son changement, il nous conte comment il a été amené à cet amaigrissement. À la représentation d’Esther Brandès, au Théâtre-Libre, il se rencontrait dans un corridor avec Raffaëlli, et en dépit de tout l’effacement possible de son corps, ayant peine à lui laisser le passage, s’échappait à dire : « C’est embêtant d’avoir un bedon, comme ça ! — Vous savez, lui jetait Raffaëlli, en se dégageant, il y a un moyen très simple de maigrir, c’est de ne pas boire en mangeant. »

À déjeuner, le lendemain, la phrase de Raffaëlli lui revenant, il se mettait à dire : « Tiens, si je ne buvais pas ! » À quoi Mme Zola répondait que ça n’avait pas le sens commun, et que du reste, elle était bien sûre qu’il ne pourrait pas le faire. Là-dessus contradiction et picotage entre le mari et la femme, — et Zola ne buvait pas au premier déjeuner, et continuait le régime pendant trois mois.

Lundi 5 novembre. — En allant à Rolande, dans le tête-à-tête du coupé, Daudet me raconte comment il est arrivé à faire une pièce, à la suite de l’Immortel,