Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/309

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mardi 20 novembre. — Un jeune interne, qui vient me voir, ce soir, me disait que les femmes ayant confié le secret de leur maladie à un médecin, ont pour sa discrétion, une reconnaissance attendrie touchant à l’amour. Et quand, il ne devient pas leur amant, ce médecin a sur elles, la puissance d’un confesseur.

Jeudi 22 novembre. — Cette Germinie Lacerteux me met dans un état nerveux, qui me réveille tous les matins, à quatre heures, et me donne une fièvre de la cervelle, où tout éveillé, je vois jouer la pièce, dans des transports d’enthousiasme d’un public de songes.

Daudet est, dans le moment, tout pris, tout absorbé, tout dominé par la lecture des Entretiens d’Eckermann avec Gœthe. Il déplore que nous n’ayons pas chacun de nous, un Eckermann, un individu sans vanité personnelle aucune, mettant, selon mon expression, tout ce qui flue de nous, dans les moments d’abandon ou de fouettage par la conversation : enfin toute cette expansion de cervelle ou de cœur, bien supérieure à ce que nous mettons dans nos livres, où l’expression de la pensée est, comme figée par l’imprimé.

Là-dessus, Daudet se met à parler des gens de valeur, que des circonstances, la paresse, n’ont jamais laissé se produire, et qui meurent tout entiers, faute