Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/310

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d’un Eckermann, et le nom d’un ami lui vient à la bouche, comme celui d’un de ces hommes, tout plein de choses délicates, et qui aura passé dans la vie, sans laisser de trace.

Cet ami, il nous le montre assis en face de lui, en plein jour, devant une bouteille de champagne, chez Ledoyen. Et tout à coup déposant son verre, avec des larmes dans les yeux, en disant : « Ah ! c’est plus fort que moi, je ne peux pas ne pas toujours y penser ! » Daudet comprenait, que c’était de son jeune enfant, mort il y avait deux ans, qu’il parlait. Alors le père lui racontait, que l’entendant, une nuit, tout doucement pleurer dans son lit, il lui demandait ce qu’il avait, et que l’enfant lui répondait : « Ça m’ennuie de mourir ! » Et l’ami retendait son verre, et continuait à boire avec des yeux aigus, regardant dans le vide.

Vendredi 23 novembre. — Oh l’argent ! les pièces de cent sous, ça ne me représente rien : ce sont comme des palets de jeu de tonneau, que j’échange contre des jouissances des yeux… Mais, ce qu’ils m’auront coûté ces gredins !

Samedi 24 novembre. — Battu toute la soirée, la rue du Rocher, la rue des Martyrs, pour trouver le