Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/89

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mins et des routes, est triste et apporte souvent des idées de mort. Et quand le soleil ne luit pas, et qu’en l’absence du soleil, le mistral souffle sur vos nerfs, oh alors !…

Samedi 10 octobre. — D’aimables gens, les hôtes de Saint-Estève. Le vieux Parrocel, ce descendant d’une lignée de quatorze peintres, cet ex-cuisinier, héritier d’un marquisat, ce peintre, ce poète, ce musicien, cet historien d’art, ce maître d’hôtel enfin, qui n’a pu tout à fait quitter son métier, et qui l’exerce, encore gratis, en son petit château de pierre blanche, au profit des célébrités littéraires et politiques.

Coiffé d’un casque de toile blanche, comme en portent les officiers de l’Inde, avec ses longs cheveux, sa longue barbe, la fièvre de ses regards, il a quelque chose d’un ascète et d’un prophète de l’Extrême-Orient. Et, par moments, il vient à sa parole passionnée, une étrange exaltation, qui tout à coup s’étrangle dans de l’émotion, quand il parle de son rêve, et du relèvement, et de la glorification du nom des Parrocel : rêve qui le tient souvent éveillé la nuit, le fait parler tout haut, « invoquant, ainsi qu’il le dit, son créateur ».

Mme Parrocel montre les jolis restes d’une gracieuse, d’une éblouissante blonde, dont l’affectueuse parole est comme le murmure d’une prière.

Et toutes les semaines, tombe dans la maison un