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OBLOMOFF.

Oblomoff tira un rouble argent et le lui fourra brusquement dans la main.

— Ton staroste est un filou, voilà ce que je te dirai, commença Taranntieff, enfouissant le rouble dans sa poche ; et tu crois tout cela, le bec ouvert ! Tiens ! qu’est-ce qu’il chante ? des sécheresses, une mauvaise année, des arriérés, et des paysans qui ont déserté. Il ment, il ment d’un bout à l’autre. J’ai ouï dire qu’en mon pays, dans la propriété de Choumilovo, la moisson de l’an passé a suffi pour payer tous les arriérés, et voilà qu’il arrive tout à coup chez toi une sécheresse et une mauvaise année. Choumilovo n’est qu’à cinquante verstes[1] de ton bien. Pourquoi le blé n’a-t-il pas été brûlé ? Il ment encore sur les arriérés. Et lui, que faisait-il ? Pourquoi les laissait-il s’accumuler ? D’où viennent ces arriérés ? Est-ce qu’il manque des travaux ou des débouchés dans notre contrée ? Ah ! le brigand ! Je lui aurais appris, moi ! Et les paysans, pourquoi sont-ils partis ? parce que lui-même probablement les a écorchés et les a fait envoler : il n’a pas porté plainte à l’ispravnike.

— Je t’assure que si, dit Oblomoff : il donne même dans sa lettre la réponse de l’ispravnike, et cela si naturellement…

  1. La verste vaut un peu plus d’un kilomètre.